L’astre du jour scintille haut dans le ciel, les ombres des arbres ne me le voilent qu’à peine. De mes yeux bleutés, j’observe attentivement les arbres, leurs troncs chaque silhouette, brindille ou feuille, qu’elle soit morte ou vivante. Quelques petits oiseaux chantonnent une joyeuse mélodie, mais ce n’est pas assez pour me remonter le moral. J’entends non loin de moi de mes oreilles affutées un fugace animal passager qui courut au loin ; sans doute un écureuil qui m’avait déjà aperçue.

Je ne me suis pas encore présentée ? Eh bien je vais le faire. Je suis Miwu-Ambera-Jaeïra-Cerluve-Scarlett. En fait, mon nom à la naissance était tout simplement Miwu-Scarlett. Maman me disait que mon deuxième prénom me rappelait « ses beaux cheveux »… N’importe quoi, franchement. Miwu me convient bien, et quand on me demande comment je m’appelle, c’est ce que je réponds. En général.

Alors, est-ce que c’est ce que je vais dire en arrivant à destination ? Peut-être. Je n’en sais rien. Tandis que je rêvais de mon passé et de mes fichus ancêtres que je maudis dès à présent, je n’ai pas eu le temps de penser aux événements futurs. Je vous explique ; je suis née d’une gentille maman au Clan du Cerf. J’y avais deux sœurs aussi. Malencontreusement, quand vinrent mes quatorze ans, on m’annonça que ma place était au sein du Clan du Loup. Non mais… je dois l’avouer ; je suis noble comme une lionne, futée comme un renard, bourrine comme un ours, rapide comme un aigle, parfois moqueuse comme une loutre… même maline et trompeuse comme un rat, de temps en temps. Mais surtout, ma cervelle est remplie d’une sagesse infinie. Et je ne suis pas la seule à le dire ! Voila le pire.

Pourtant, n’ayant rien en commun avec le loup, cet animal que je n’ai jamais particulièrement aimé, et là encore moins, je dois rejoindre son Clan. Je vis dans un monde de fous, c’est à croire.

Je sens sous mes pieds quelque chose d’humide. M’arrête. Baisse la tête pour regarder ce que cela peut bien être. Et vois une flaque d’eau, juste assez profonde pour que j’y voie mon reflet. J’ai de longs cheveux blonds sur un long visage. Je suis moche, franchement. Argh ; je me déteste. Est-ce que c’est pour ça que je suis louve ? Les loups pensent-ils du mal d’eux-mêmes ? Si c’est le cas, je changerai. Je veux rentrer chez moi… ma famille me manque… j’en ai marre de marcher…

Eh crotte. Je suis arrivée.

Je ne vais pas vous décrire le camp autrement ; c’est pas beau. Je n’aime pas. Ça grouille de monde et j’en connais, quelques petites choses sur les loups ; ils ont dans leurs meutes des souffre-douleurs, les canins sur lesquels les plus forts se défoulent. Quelle horreur ! Comment peuvent-ils être aussi cruels ? J’espère que ce fichu Clan sera légèrement plus… accueillant.

Ou alors je jure sur mes fichus ancêtres que j’en étripe un ou deux.

Une personne marchant vers moi attire mon attention. Ma première rencontre au Clan du Loup… qui est-ce ?

( Excuse-moi, je suis un peu en retard... ^^' )

- -A mon avis, nous devrions parler un petit peu, car tu t'ai fais un avis injuste sur notre clan, ta mage à parler à ma mùage d'un "souffre-douleur" ? Tu te trompes il n'y a pas de ça, ni dans les animaux au naturel, ni dans notre clan. Alors, je te prie de faire preuve d'un peu de bonne humeur à notre égard, et sache que jusque là, je n'ai pas d'ennemi(e) et je ne tiens pas à ce que ça change. Alors, tu veux bien m'écouter d'expliquer le fonctionnement de notre clan ?

Miwu la regarda quelques instants droit dans les yeux. Le silence entre elles ne la dérangeait pas du tout, elle y était d’ailleurs plutôt confiante. Bizarre… ce qu’elle faisait depuis qu’elle avait quitté le Clan du Cerf n’avait rien de normal chez elle. Les ancêtres voulaient-ils donc la changer, la faire devenir un Loup ? Eh bien ils pouvaient toujours rêver, elle était née Cerf et le resterait jusqu'à la fin de sa vie. Point à la ligne.

- Je n’ai pas envie d’avoir d’ennemis, avoua-t-elle, donnant très peu d’importance au grand discours de son ainée. Mais bon, puisque je vais devoir rester ici quelques temps, autant en savoir un peu plus. Je t’écoute, tu as toute mon attention.

Elle regarda autour d’elle et inspecta les regards de chaque personne qui passait.

- Cependant, rajouta-t-elle d’un air pensif avant que la femme louve n’ait pu répondre quoi que ce soit. Pourrions-nous discuter dans un autre endroit que l’entrée du camp ? Préférablement quelque part où je pourrais m’asseoir. J’ai mal aux jambes.

Elle ajouta à ces paroles un petit sourire niais, afin de bien faire passer qu’elle était une petite fille polie qui disait « s’il vous plaît » bien gentiment quand il le fallait.

Ohhh, mais c’est qu’elle est gentille, la seconde du Clan ! Eh bien j’aurai tout vu. En tout cas, elle accepte sans faire de commentaire ma demande et m’entraîne en haut d’une colline qui surplombait l’entrée du camp. Un instant – qui ne dura qu’une fraction de seconde, tout au plus – je regardait l’endroit où je me trouvait il n’y avait pas une minute. C’est dingue comme j’aurai été petite, vue la taille de ceux qui, en bas, ne sont pas plus haut que mon pouce. J’adore voir des choses comme ça, des illusions d’optique, des choses qu’on ne peut expliquer, de la magie presque, des choses fantastiques… Je m’égare, là. Retour au présent, Miwu.

Narwin – elle s’appelle bien comme ça, hein ? – soulève alors le tissu barrant l’entrée d’une tente avant de s’y faufiler. Je la suis puis, surprise, constatai que l’intérieur n’était pas beaucoup plus rangé que chez moi. [ HS : T’as pas vu la mienne xD ]Ce qui émerge en mois quelques beaux souvenirs des temps où maman me grondait sans cesse à cause de cela… Non, Miwu. Pleurer dès son premier jour, ça va pas t’amener bien loin.

La jeune femme s’excuse brièvement avant de nettoyer tout son bazar. Elle est lieutenante de son Clan, et est donc sûrement très forte niveau physique et combat. Je m’abstint donc du moindre commentaire, puisque je tiens encore à vivre, même si c’est dans ce Clan de… Je suis perdue dans ces mauvaises pensées quand elle me fit signe de m’asseoir. Ok. Je le fais en silence, en attendant bien sagement qu’elle prenne la parole. Et surprise ; c’est ce qu’elle fit ;

- Je sais que tu tiens beaucoup à ta famille, et au Clan du Cerf, mais je te prie d'essayer de comprendre le choix des ancêtres, s'il te plaît. Nous ne sommes pas des bourreaux, ni quoi que ce soit de ce genre.

Ça y est, l’envie de lui mettre un bon coup dans la figure me revient. Qu’est ce qu’elle en sait, elle ? Elle a sûrement sa famille ici, elle y a grandi, ses amis sont restés, eux, et puis…
Le silence entre nous m’agace. La jeune sous-chef est en train d’en profiter pour faire je-ne-sais-quoi dans un de ses bols. Elle a un sourire encourageant aux lèvres qui ne me fait ni chaud ni froid. Je prends enfin la parole ;

- Tu connais mon histoire ? Tu m’en veux donc pas, j’espère, de ne pas croire aux choix de mes ancêtres. Je t’assure, j’ai vécu avec moi-même plus longtemps qu’aucune autre personne et je me connais plus ou moins assez pour savoir ce que je vaux et ce que je ne vaux pas. Dans ce cas, respectivement le Clan du Cerf et du Loup. Mais bon, comme je n’ai pas grand choix… je t’ai déjà dit que je t’écouterais et je tiens toujours mes promesses.

Ce n’est pas une promesse que je lui ai faite, mais bon. J’ai envie qu’elle continue, j’ai envie de changer de sujet. Sous la table – qui n’a pas l’air faite d’une main experte, mais qui me plaît plutôt bien – je croise les doigts afin qu’elle exhausse mes souhaits.

( Non non, comme ca, c'est parfait. ^-^ )

Lorsque je sortis, je vis le camp. Lorsque je vis le camp, je me sentis mal. Lorsque je me sentis mal, j’essayai précipitamment la larme qui risquait de couleur sur ma joue. Non non, on pleure pas aujourd’hui, Miwu, je te l’ai déjà dit. Ressaisis-toi… Lorsque je me dis de me ressaisir, je le fis. Et lorsque je le fis, je me sentis mieux. Lorsque je me sentis mieux, une nouvelle personne du Clan s’avança vers moi. Lorsqu’elle s’avança vers moi, je fis un pas en arrière. Lorsque je fis un pas en arrière, la personne parut surprise. Lorsqu’elle parut surprise, j’en profitai pour tourner mes talons vers la droite pour m’enfuir dans les bois.

Dis donc, t’es courageuse, Miwu, ma parole ! Heureusement qu’on t’a pas dit que tu faisais partie du Clan du Lion. C’aurait été le comble, tiens ! Le Clan du Loup… Je dois l’avouer, Narwin semble gentille. Mais je veux plus entendre parler d’elle. Elle m’énerve. Et ce qui m’énerve encore plus, c’est le fait que je cours parmi les arbres à perdre haleine mais que je n’arrive pas à l’oublier. Ou plutôt si, en pensant à maman. Sa tète me revient d’un coup, j’ai envie de la voir. La serrer contre moi. Pleurer sur sa large poitrine. Sentir sa main chaude caresser mes cheveux. Entendre ses doux paroles me réconforter. Tant pis, elle n’est plus là. Je suis seule dans le Clan du Loup.

Le Clan du Loup. Le loup… c’est quoi, cet animal à quatre patte un peu bizarre ? Bizarrement, j’ai toujours aimé les canins. Petite, je dois avouer que j’admirais ce Clan. Mais je me suis vite fait à l’idée que je ne pouvais rien faire contre ma naissance, et que de toute façon, ma sagesse et mes facilites à la compréhension des choses allaient être avantageuses non seulement pour moi mais pour mon Clan. Celui du Cerf. MON Clan.

Stop Miwu. Pleure pas, je te dis. Tu m’écoutes ?

Je m’arrête d’un coup. Pas parce que j’en peux plus de courir – même si c’est vrai, je peux encore le faire quelques temps avant de m’effondrer – mais parce que je me rends compte que je parle toute seule. Que je suis ridicule. Et lorsque je me rendis compte de cela, je touchai doucement mon nouveau petit collier, qui est encore attaché autour de mon cou. Et lorsque je le touchai…

Bon, on va arrêter avec ça. L’important est que je fais demi-tour. En marchant, bien entendu. Je n’ai pas envie de me presser, j’ai justement besoin de prendre mon temps pour réfléchir. Réfléchir à ce que je vais dire, faire à l’avenir. Non mais, ils vont me prendre pour quoi ? Je n’ai pas envie qu’on me voit en train de m’enfuir, c’est pas mon genre. Je suis forte, je suis courageuse, hein, Miwu ? Oui, Miwu, je suis forte et courageuse. Maintenant, arrête de parler toute seule et rentre au camp voir Narwin. Je lui dirais que je passe juste la remercier, et puis ce sera tout. Au moins, elle saura que je ne suis pas bête… enfin, elle le pensera, parce que je le suis.

Lorsque… non. Quand je rentre au camp, rien n’a changé. Ça m’a toujours l’air aussi différent, aussi grand et aussi… apeurant. La colère monte en moi mais je l’ignore. Et je m’avance vers sa tente. La tente de Narwin, en haut de la colline. J’hésite quand même un peu avant d’entrer, mais j’utilise comme excuse que la vue est belle et que je voulais l’admirer.

Puis, sans prendre le temps de m’annoncer comme il se doit, j’entre et je souris.

- C’était très bon ce que tu m’as fait. Merci, Narwin.

Elle se lève, parce qu’elle n’était pas debout, mais par terre, les yeux dans le vague. Elle parait surprise… Ben au pire, elle a p’t’être raison. P’t’être. Je serre le collier qu’elle m’a offert.

- Mais je préfère le collier, il est plus beau. Et puis je préfère les choses qui durent plus longtemps. Tu m’apprends à en faire ?

- Moi ? Bien sûr, volontiers. Tiens, prends cette boîte, là-bas, s’il te plaît.

Je m’exécutai. D’habitude, je n’aime pas qu’on me donne des ordres. Là, je m’en fiche, franchement. Elle m’enseigne en quelques phrases courtes et simples à comprendre ce que je dois faire. C’est facile, tout compte fait. J’aurais très bien pu le faire toute seule, si vraiment je l’avais voulu, mais… l’idée m’est venue d’un coup et sans que ma tête ne puisse y dire quoi que ce soit, ma bouche a envoyé la demande.

En tout cas, lorsque c’est mon tour, j’y arrive très facilement. Normal, je suis Cerf. Facile d’apprendre, quand on est du Clan le plus sage du monde !

Je prends deux fils – j’aime que les choses soient complets – et je les tresse ensemble, en faisant bien attention à imiter les gestes de ma nouvelle amie – tiens, je l’appelle comme ca, maintenant – sans pourtant autant faire de la copie. Y mettre mon style, voilà ce qui va rendre mon collier vraiment unique. J’allais faire le nœud quand je me rends compte que ce serait stupide ; il me faut encore mettre les ornements. Je souris, rassurée de ne pas avoir échouée aussi bêtement, avant de regarder les choix que Narwin me proposait. Les perles, les coquillages… je dois avouer que ça ne me bronche pas trop, de faire exactement pareil qu’elle.

- Tu sais sculpter ? lui demandai-je curieusement. Moi, oui. Si j’ai un bout de bois, je peux nous faire un cer…

Un cerf. Non. Pas un cerf. Parce que Narwin n’est pas de ce Clan. Je ne peux pas lui offrir l’animal que je vénérais auparavant. Ce serait une insulte envers elle. Je change rapidement de tactique, soucieuse de ne pas la vexer ;

- Je peux nous faire une feuille. J’aime bien ces choses… elles me rappellent les humains. Ils poussent sur les mêmes arbres, les Clans, et ensemble forment quelque chose de joli. Puis tombent un jour, afin de laisser place aux autres…

Je sors mon couteau de ma poche. J’ai un peu improvisé mon petit discours qui me sauve un peu la mise. Sauf que la suite, je ne l’ai pas dite. Je l’ai pensé dans ma petite tête, et l’ai retenue au dernier moment ; « Et même si les feuilles sont de différents arbres, ils se ressemblent tous, en fin de compte. » Mais chut, Miwu, tu vas pas dire de telles sottises. Les feuilles d’un palmier ne ressemblent pas à ceux d’un pommier, si ? Non. Alors tais-toi et sors ton couteau. Et pense pas à maman, ça sert à rien. Chut.